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Quand il est question de division en Irlande du Nord, on pense en premier lieu à celle opposant les unionistes et les nationalistes (principalement catholiques). Mais depuis quelques années, Belfast est confronté à une autre division : celle entre les Irlandais du Nord et les immigrés, chinois, polonais, roumains, ou de confession musulmane du pays. Selon le Belfast Telegraph, les attaques contre ces derniers dans la région ont augmenté de 43% durant l’année 2013, et en moyenne, c’est plus de deux attaques xénophobes et racistes qui sont rapportées aux policiers tous les jours. Dégradations de propriétés, présence de graffitis haineux et en faveur du Ku Klux Klan, agressions physiques et propos xénophobes sont devenus le quotidien de la région.
A ces attaques se sont ajoutés les propos du pasteur évangélique de Belfast, James McConnell, qui a qualifié la religion musulmane de « païenne », de « barbare et d’œuvre du diable conçue en enfer ». Le Premier ministre d’Irlande du Nord et leader du parti unioniste démocrate (PUD), Peter Robinson, a alors soutenu le pasteur en confiant au journal The Irish News qu’il était en accord avec les propos de ce dernier, et les a qualifiés de « non-haineux » envers les musulmans. Pourtant, au même moment, la secrétaire d’Irlande du Nord, Theresa Villiers, et le ministre irlandais des Affaires étrangères, Eamon Gilmore, ont rapidement dénoncé d’une seule voix l’islamophobie de James McConnell lors d’un meeting à Dublin consacré à la situation politique en Irlande du Nord.
Face à cette montée de la xénophobie, Anna Lo, parlementaire d’origine chinoise membre du parti de l’Alliance, a publiquement fait part de son indignation, et a annoncé qu’elle ne briguerait pas un futur mandat au sein de l’Assemblée d’Irlande du Nord lors des prochaines élections en 2016.
Anna Lo, née à Hong-Kong en 1950, s’est installée en Irlande du Nord après son mariage avec un journaliste en 1974. Elle est élue en 2007 dans la région sud de Belfast à l’Assemblée d’Irlande du Nord, devenant ainsi la première personnalité politique issue d’une minorité ethnique élue au niveau régional en Irlande du Nord, et la première asiatique élue à des élections législatives au Royaume-Uni. Mais elle a annoncé à la fin du mois de mai qu’elle envisageait de quitter la région : « Je ne me sens pas en sécurité ici et je sais que c’est également le cas pour de nombreuses personnes ». Durant la campagne pour les élections européennes, Anna Lo a d’ailleurs confié à la BBC avoir personnellement subi attaques et insultes à caractère raciste. Ses deux fils, qui ont décidé de vivre en Angleterre, l’ont appelée à les rejoindre, inquiets pour sa sécurité.
Dans une tribune au journal The Guardian intitulée « Lutter contre le racisme en Irlande du Nord doit commencer avec le premier ministre », elle a appelé Peter Robinson à faire des excuses publiques pour son soutien à James McConnell ou à démissionner.
Soutien de la population
Crédit : The Guardian.com
Après l’annonce de son futur retrait de la vie politique, plusieurs habitants d’Irlande du Nord se sont mobilisés pour lui apporter leur soutien à travers les réseaux sociaux, où de nombreux groupes Facebook et des hashtags sur Twitter tels que #IStandWithAnna (je soutiens Anna) se sont créés. Des dizaines de milliers de personnes sont également descendues dans les rues de Belfast pour dénoncer la recrudescence des actes racistes, et appeler les politiques à agir.
Une prise de conscience politique
Touchée par cette vague de soutien, la parlementaire a alors remercié dans une tribune tous ceux qui se sont réunis afin de lutter contre le racisme en Irlande du Nord, sans pour autant revenir sur sa décision. Elle a également obtenu les excuses publiques de Peter Robinson qui a défendu au centre islamique de Belfast les minorités ethniques présentes en Irlande du Nord : "Ce que je peux faire est passer le reste de ma vie à construire une communauté unie en Irlande du Nord". L’Assemblée d’Irlande du Nord doit maintenant débattre sur une motion proposée par le parti Sinn Fein proposant à tous les partis de condamner la récente montée de violences racistes et d’intimidations dans la région.
Des initiatives politiques qui sont de bons augures. Car pour Patrick Corrigan, directeur du programme d’Amnesty International en Irlande du Nord, « Il y a eu un échec au plus haut niveau politique pour offrir une véritable lutte contre le racisme en Irlande du Nord ».